Fiche-97 : La cession totale de l’activité
Points clés
Le professionnel de santé peut être amené, de son vivant, à céder l’intégralité de son activité à un tiers, personne physique ou morale.
Cette situation est courante en fin de carrière, lorsque le praticien souhaite cesser son activité pour faire valoir ses droits à la retraite. Mais elle se rencontre également à d’autres occasions, notamment lorsque le praticien souhaite exercer son activité sous la forme sociétaire. Dans ce cas, il peut vendre ou apporter son cabinet à une société.
Lorsque le professionnel cède l’intégralité de son activité, il y a cessation d’activité. Celle-ci emporte des conséquences fiscales et entraîne l’obligation d’accomplir un certain nombre de formalités juridiques et fiscales.
Notion de cession totale de l’activité
La cession totale de l’activité implique la cession de l’ensemble des éléments corporels (matériels, mobilier, etc.) et incorporels (clientèle ou patientèle, droit au bail, etc.) attachés au fonds libéral cédé.
Toutefois, le professionnel peut décider de conserver les murs dont il est propriétaire, même s’il les a inscrits au patrimoine professionnel.
Dans ce cas, un bail doit être conclu entre le cédant et son repreneur, parallèlement à l’acte de cession. En outre, le praticien cédant est imposé sur la plus-value dégagée à l’occasion du transfert du local dans son patrimoine privé, sauf exonération (ou encore abattement sur la plus-value à long terme).
Lorsque le professionnel cédant est locataire des locaux professionnels, il faut vérifier dans le contrat de bail les conditions de cession du droit au bail.
À l’inverse, il y a cession partielle de l’activité lorsque seulement une partie des éléments attachés au fonds est cédée (cession d’une partie de la clientèle ou patientèle par exemple).
Étapes de la cession
Pour céder son cabinet, il est recommandé au professionnel de santé de se faire accompagner d’un ou plusieurs spécialistes afin de :
procéder à l’évaluation du fonds libéral ;
mesurer les conséquences fiscales de l’opération et vérifier les éventuels dispositifs d’exonération des plus-values applicables ;
signer une lettre d’intention pour formaliser le cadre de la négociation ;
négocier le prix de cession avec le potentiel repreneur ;
sécuriser le financement par le repreneur en demandant notamment des garanties ;
signer le protocole d’accord. Il contient un certain nombre de mentions, notamment les conditions suspensives, telle que l’obtention du financement ;
signer l’acte définitif de cession ;
réaliser les formalités juridiques et fiscales.
En règle générale, le contrat de cession doit être transmis à l’ordre professionnel concerné.
En principe, le professionnel de santé est libre de choisir son repreneur. Toutefois, il est impératif de s’assurer qu’il n’a pas consenti de droit de préférence à un tiers (par exemple, dans le cadre d’un contrat d’exercice en commun contenant une clause de préférence au bénéfice d’un confrère ou d’une consœur).
Imposition des plus-values
La cession du cabinet entraîne la sortie des éléments d’actif du patrimoine professionnel. D’un point de vue fiscal, le professionnel est imposé sur les plus-values professionnelles ainsi réalisées.
Dans la mesure où il y a cessation d’activité, le professionnel ne peut pas bénéficier du régime de l’étalement de la plus-value nette à court terme.
Toutefois, en cas de cession complète de l’activité, le professionnel de santé peut bénéficier, à certaines conditions, des dispositifs d’exonération des plus-values suivants :
l’exonération des petites entreprises, qui dépend du montant des recettes du professionnel ;
l’exonération liée au montant de la cession ;
l’exonération liée au départ à la retraite (uniquement en cas de cession à titre onéreux) ;
la transmission à titre gratuit du cabinet (report d’imposition pouvant se transformer en exonération définitive) ;
l’abattement pour durée de détention applicable à la plus-value à long terme réalisée sur les locaux professionnels inscrits au patrimoine professionnel.
Chaque dispositif est soumis à des conditions particulières. Ainsi, certains régimes d’exonération ne s’appliquent :
qu’en l’absence de lien entre le professionnel cédant et l’acquéreur. Par exemple, en cas de cession de l’activité à une société dans laquelle le professionnel cédant est associé, certains dispositifs peuvent être inapplicables ;
qu’en cas de cession à titre onéreux (ventes) ou au contraire qu’en cas de transmission à titre gratuit (donation).
TVA
Concernant les professionnels redevables de la TVA, la cession totale de l’activité est un cas de dispense de TVA, à condition qu’elle intervienne au profit d’un autre assujetti redevable. En effet, la cession totale correspond à la transmission d’une universalité totale de biens.
La notion de transmission d’une universalité totale ou partielle de biens concerne le transfert d’un fonds de commerce ou d’une partie autonome d’une entreprise, comprenant des éléments corporels et, le cas échéant, incorporels qui, ensemble, constituent une entreprise ou une partie d’une entreprise susceptible de poursuivre une activité économique autonome.
Si la dispense de TVA ne peut s’appliquer, le professionnel peut alors être amené à régulariser la TVA antérieurement déduite sur ses dépenses.
En savoir plus
Cession de parts d’une société de personnes
Lorsque le professionnel de santé exerce son activité dans le cadre d’une société de personnes, il peut décider à tout moment de céder l’intégralité de ses parts. La plus-value de cession des parts est imposable selon le régime des plus-values professionnelles. En effet, dans ce cas, les parts sociales sont considérées comme des éléments d’actifs affectés à l’exercice de la profession.
Il peut bénéficier, à certaines conditions, des dispositifs d’exonération suivants :
exonération des petites entreprises, qui dépend du montant des recettes du professionnel ;
exonération liée au montant de la cession ;
exonération liée au départ à la retraite.
En revanche, en cas de transmission à titre gratuit des parts sociales, la plus-value n’est pas immédiatement imposée si le bénéficiaire de la transmission prend l’engagement de calculer la plus-value réalisée à l’occasion de la cession ou de la transmission ultérieure de ces droits par rapport à leur valeur d’acquisition par le précédent associé. Elle est placée en report d’imposition.
Pour éviter une double imposition, le prix de revient des parts sociales à retenir pour calculer la plus-value ou moins-value réalisée doit être corrigé (jurisprudence Quemener). En effet, le prix d’acquisition doit être :
majoré, d’une part, de la quote-part des bénéfices de cette société revenant à l’associé qui a été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et, d’autre part, des déficits de la société qui ont été comblés par l’associé ;
minoré, d’une part, des déficits que l’associé a déduits, à l’exclusion de ceux trouvant leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif et, d’autre part, des bénéfices ayant donné lieu à répartition au profit de l’associé.
Enfin, si l’activité libérale avait préalablement été apportée sous le régime de faveur applicable, à certaines conditions, en cas d’apport d’une entreprise individuelle en société, la cession à titre onéreux des parts reçues en échange de l’apport met fin au report d’imposition des plus-values sur biens non amortissables.
Pour mémoire, ce régime de faveur permet d’étaler les plus-values sur biens amortissables sur cinq ou quinze années selon la nature du bien, et de reporter l’imposition des plus-values sur biens non amortissables jusqu’à la date de la cession à titre onéreux, du rachat ou de l’annulation des droits sociaux reçus en rémunération de l’apport ou jusqu’à la cession des immobilisations par la société si elle est antérieure.
En cas de cession de parts ou d’actions d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés, la plus-value réalisée à cette occasion relève du régime des plus-values mobilières des particuliers, même lorsque le professionnel associé y exerce son activité.
Des abattements sont susceptibles de s’appliquer sur le montant de la plus-value :
abattements pour durée de détention si les titres ont été acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018 ;
ou abattement fixe de 500 000 € pour les dirigeants partant à la retraite, sous réserve notamment de céder l’intégralité de la participation ou la majorité des titres de la société.
Plus-values mobilières des particuliers | Régime de droit commun (PFU) | Régime optionnel (barème de l’IR) |
Modalités d’imposition | Taux proportionnel d’IR (12,8 %) + Prélèvements sociaux (17,2 %) CSG non déductible | Barème de l’impôt sur le revenu + Prélèvements sociaux (17,2 %) CSG déductible (éventuellement plafonnée) |
Abattement fixe de 500 000 € | OUI Pour le calcul de l’IR uniquement Uniquement pour les cessions réalisées entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2024 | |
Abattement pour durée de détention classique
| NON | OUI Pour le calcul de l’IR uniquement Uniquement pour les titres acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018 Pas cumulable avec les abattements pour durée de détention |
Abattement pour durée de détention renforcé
| NON |
Droits d’enregistrement
Les cessions à titre onéreux de clientèle (ou conventions de successeur), droit au bail ainsi que de droits sociaux doivent être enregistrées auprès du service des impôts compétent. En principe, cette formalité est à la charge de l’acquéreur. Les principaux tarifs applicables sont présentés ci-après.
Les donations (cessions à titre gratuit) sont soumises aux droits de donation.
Les cessions d'entreprise individuelle ayant opté pour leur assimilation à une EURL ou à une EARL sont soumises aux droits d'enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux, soit 3 %. La même règle s'applique aux EIRL subsistantes.
Faute de précision particulière dans le texte, cette mesure s'applique aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2023.
Cessions de clientèle (ou convention de successeur) et cessions de droit au bail
Elles sont assimilées à des cessions de fonds de commerce. Elles sont donc soumises à un droit d’enregistrement de 3 % sur la fraction du prix comprise entre 23 000 € et 200 000 € et de 5 % sur la fraction excédant ce montant, avec un droit minimum de 25 €.
Pour les acquisitions situées en ZFU-TE et en ZRR, le taux de 3 % est réduit à 1 % pour la fraction du prix comprise entre 23 000 € et 107 000 €, sous réserve de l’engagement de l’acquéreur de maintenir l’exploitation du bien acquis pendant au moins cinq ans.
S’agissant des conventions ayant pour effet de permettre à une personne d’exercer la profession d’un précédent titulaire, le droit de mutation est exigible sur toutes les sommes dont le paiement est imposé au successeur, sous quelque dénomination que ce soit, ainsi que sur toutes les charges lui incombant au même titre, même si elle ne s’accompagne pas d’une cession de clientèle.
Tel est le cas des conventions passées entre médecins, vétérinaires, chirurgiens-dentistes, qui contiennent l’engagement par le titulaire de ne pas se rétablir et de présenter son successeur à sa clientèle, ou portant cession du droit au bail des locaux servant à l’exercice de la profession, ou du matériel et des installations servant à l’usage de celle-ci.
Ainsi ont été jugées imposables :
l’acquisition par un médecin, de parts d’une société civile de moyens réalisée conjointement avec celle du droit de présentation à la clientèle médicale qui lui ont fourni le moyen matériel d’exercer la profession du précédent titulaire ;
la cession par un vétérinaire à son confrère de la moitié de la valeur des apports de biens meubles consentis à la société créée de fait entre eux, consistant en locaux, matériel et stock dès lors que cette convention a permis au cessionnaire l’exercice d’une profession exercée par le précédent titulaire et alors même que ladite convention ne s’accompagne pas d’une cession de clientèle.
Cependant, l’administration s’abstient, en principe, de faire application de ce principe en cas de simple mutation de jouissance consentie pour une durée déterminée. Tel est le cas d’un chirurgien-dentiste donnant à bail pour une durée déterminée, en vue de l’exercice par le preneur de la profession de chirurgien-dentiste, l’immeuble et le matériel dentaire dont il est propriétaire.
Cessions de droits sociaux
Les cessions d’actions (SELAS par exemple) sont enregistrées au taux de 0,1 %.
Les cessions de parts sociales (SELARL par exemple) sont enregistrées au taux de 3 %. Dans ce cas, il est appliqué sur la valeur de chaque part sociale un abattement égal au rapport entre la somme de 23 000 € et le nombre total de parts sociales de la société.
Les textes
Législation et réglementation
Article 202 du CGI, sur la cessation d’activité
Article 719 du CGI, sur le tarif applicable aux cessions de fonds de commerce ou de clientèles
Article 722 bis du CGI, sur le taux réduit des cessions de fonds ou de clientèles en ZRR ou ZFU-TE
Article 720 du CGI, sur les droits d’enregistrement applicables aux conventions de successeur
Article 726 du CGI sur les tarifs des droits d’enregistrement des cessions de droits sociaux
Article 257 bis du CGI sur la transmission d’une universalité de biens en matière de TVA