Fiche-99 : L’apport de l’activité à une société
Points clés
Le professionnel de santé qui exerce son activité à titre individuel peut souhaiter, pour plusieurs raisons, changer le mode d’exercice de son activité pour adopter une forme sociétaire, telles qu’une société civile professionnelle (SCP) ou une société d’exercice libéral (SEL).
Dans ce cas, en général, le professionnel transmet à la société l’ensemble des éléments nécessaires à l’exercice de sa profession, étant précisé :
que la société peut être préexistante ou nouvelle ;
que le transfert peut être réalisé par voie de vente ou d’apport.
En tout état de cause, le changement de mode d’exercice est un cas de cessation d’activité. Celle-ci emporte des conséquences fiscales et entraîne l’obligation d’accomplir un certain nombre de formalités juridiques et fiscales.
Notion d’apport en société
Pour devenir associé d’une société, le professionnel doit effectuer un apport ou, si la société est préexistante, acquérir des parts ou des actions (selon la forme juridique de la société) auprès d’un autre associé.
S’il réalise d’un apport, celui-ci peut intervenir :
à la constitution de la société, pour les sociétés nouvelles ;
dans le cadre d’une augmentation de capital, pour les sociétés préexistantes.
En règle générale, l’apport emporte transfert de propriété. Toutefois, il existe des apports en jouissance, par lesquels l’apporteur s’engage seulement à mettre un bien à disposition de la société pendant une certaine durée.
S’agissant des apports en propriété, ils peuvent prendre la forme :
d’apport en numéraire (argent, compensation de créances liquides et exigibles) ;
d’apport en nature (biens meubles ou immeubles, corporels ou incorporels).
En contrepartie de son apport, le professionnel est rémunéré par des parts sociales ou des actions émises par la société.
L’apport en industrie consiste à apporter une activité ou un savoir-faire. Il n’est pas autorisé dans toutes les sociétés et ne concoure pas à la formation du capital social. En revanche, il donne lieu à l’attribution de parts d’industrie, ouvrant droit au partage des bénéfices et de l’actif net, à charge de contribuer aux pertes.
Par ailleurs, lorsque le professionnel de santé est déjà installé et souhaite exercer son activité au sein d’une société, il peut vendre son cabinet à la société ou bien l’apporter.
L’apport présente plusieurs avantages, notamment :
l’attribution de titres de la société en contrepartie de l’apport. Le professionnel apporteur bénéficie ainsi des droits de vote et des droits financiers attachés à chaque titre, ce qui a un impact lorsque la société comprend plusieurs associés ;
la perception d’une partie de la plus-value éventuellement réalisée par la société, en cas de cession de tout ou partie de ses éléments ;
l’augmentation de la crédibilité de l’entreprise vis-à-vis des tiers, notamment des organismes financiers, en cas de besoin de financement extérieur ;
le renforcement des fonds propres de la société ;
la sécurisation des fonds puisque l’apporteur ne peut pas demander le remboursement des biens apportés.
À l’inverse, la vente du cabinet à la société entraîne l’obligation pour cette dernière de payer le prix de vente au professionnel de santé :
soit immédiatement, ce qui implique de puiser dans les fonds propres de la société et/ou de souscrire un emprunt pour financer cette acquisition ;
soit ultérieurement, ce qui entraîne l’inscription de la somme due au compte courant d’associé ouvert dans les comptes de la société au nom du professionnel devenu associé. Cette situation fragilise la situation financière de la société puisque le professionnel peut demander le remboursement de son compte courant d’associé à tout moment, sauf convention de blocage.
Imposition des plus-values
Qu’il y ait vente ou apport, la transmission du cabinet entraîne la sortie des éléments composant le fonds libéral du patrimoine professionnel. D’un point de vue fiscal, le professionnel est imposé sur les plus-values professionnelles ainsi réalisées.
Toutefois, le professionnel apporteur peut bénéficier de certains dispositifs :
l’exonération des petites entreprises, qui dépend du montant des recettes du professionnel ;
l’exonération liée au montant de la cession. Toutefois, cette exonération ne s’applique pas si le professionnel exerce la direction effective de la société bénéficiaire de l’apport ou s’il détient, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette société, ces deux conditions devant être respectées au moment de la cession mais également dans les trois années qui suivent. Par conséquent, en pratique, cette exonération est difficilement applicable en cas d’apport de l’entreprise libérale à une société ;
l’abattement pour durée de détention applicable à la plus-value à long terme réalisée sur les locaux professionnels inscrits au patrimoine professionnel ;
le dispositif applicable aux plus-values d’apport d’une entreprise libérale à une société.
Focus sur le dispositif applicable aux plus-values d’apport d’une entreprise libérale à une société
Ce dispositif spécial permet, sous réserve notamment que toute l’entreprise individuelle soit apportée :
le report de l’imposition des plus-values sur biens non amortissables (clientèle, etc.) jusqu’à la date de cession à titre onéreux, de rachat ou d’annulation des titres reçus en rémunération de l’apport de l’entreprise ou de la cession de ces biens par la société si elle est antérieure ;
Le report peut être maintenu dans certains cas :
transmission à titre gratuit des parts ou actions si le bénéficiaire de la transmission prend l’engagement d’acquitter l’impôt sur ces plus-values à la date à laquelle interviendra la cession ou le rachat de ses droits, ou la cession par la société des biens non amortissables apportés si elle est antérieure ;
apport initial à une SCP qui se transforme en SEL : report jusqu’à la date de cession, de rachat ou d’annulation des parts ou actions de l’apporteur ou du bénéficiaire de la transmission mentionné ci-dessus ;
etc.
l’imposition des plus-values sur biens amortissables (matériels, mobiliers, etc.) de manière étalée au nom de la société bénéficiaire de l’apport. Elles sont réintégrées par fractions égales sur une durée de quinze ans pour les constructions et les droits qui se rapportent à des constructions (ainsi que pour les agencements et aménagements des terrains amortissables sur une période au moins égale à cette durée) et de cinq ans dans les autres cas.
En contrepartie de ses obligations, la société bénéficiaire de l’apport calcule les amortissements et les plus-values ultérieures afférents aux éléments amortissables d’après la valeur qui leur a été attribuée lors de l’apport.
Par exception à l’obligation d’apporter toute l’entreprise individuelle, le professionnel peut ne pas transmettre les immeubles affectés à l’activité, à condition toutefois que la société puisse les utiliser.
Un certain nombre d’obligations déclaratives doivent être respectées :
le professionnel de santé doit respecter les obligations fiscales liées à sa cessation d’activité sous la forme individuelle ;
la société bénéficiaire doit joindre à sa déclaration de résultat un état de suivi relatif aux éléments apportés, faisant apparaître pour chaque nature d’élément, les renseignements nécessaires au calcul du résultat imposable de la cession ultérieure des éléments considérés ;
L’apporteur doit également souscrire cet état dans le délai de soixante jours susmentionné, avec mention de la valeur des titres reçus en rémunération des apports.
elle doit également tenir un registre relatif aux plus-values sur éléments non amortissables, pour lesquels il existe un report d’imposition ;
l’apporteur doit joindre à sa déclaration d’impôt sur le revenu, un état de suivi des plus-values non amortissables. Cet état doit être produit tant que subsistent des plus-values en report d’imposition.
Enfin, une option pour ce régime spécial doit être exercée dans l’acte d’apport, conjointement par l’apporteur et la société.
Le dispositif spécial d’imposition des plus-values d’apport ne se cumule avec aucun dispositif d’exonération des plus-values, hormis l’abattement pour durée de détention applicable à la plus-value à long terme réalisée sur les locaux professionnels inscrits au patrimoine professionnel.
En savoir plus
Droits d’enregistrement
Les apports en nature réalisés par un professionnel de santé à l’occasion de la constitution d’une société sont exonérés de droits d’enregistrement lorsqu’ils sont réalisés au profit :
d’une société de personnes ;
d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés (de plein droit ou sur option), à condition dans ce cas que l’apporteur s’engage à conserver pendant au moins trois ans les titres reçus en contrepartie de son apport ;
d’une société nouvelle qui prend en charge le passif incombant à l’apporteur, à condition dans ce cas que l’apporteur s’engage à conserver pendant au moins trois ans les titres reçus en contrepartie de son apport.
Lorsqu’un engagement de conservation des titres est nécessaire et qu’il n’est pas pris, l’apport donne ouverture au droit proportionnel applicable aux transmissions de fonds libéral.
Le droit proportionnel est de 5 % pour les apports immobiliers.
Enfin, les apports en nature réalisés dans le cadre d’une augmentation de capital sont soumis au même régime fiscal que les apports faits lors de la formation de la société.
TVA
Concernant les professionnels redevables de la TVA, l’apport de la totalité de l’activité à une société est un cas de dispense de TVA, à condition que la société soit un assujetti redevable. En effet, l’opération implique dans ce cas la transmission d’une universalité totale de biens.
La notion de transmission d’une universalité totale ou partielle de biens concerne le transfert d’un fonds de commerce ou d’une partie autonome d’une entreprise, comprenant des éléments corporels et, le cas échéant, incorporels qui, ensemble, constituent une entreprise ou une partie d’une entreprise susceptible de poursuivre une activité économique autonome.
Si la dispense de TVA ne peut s’appliquer, le professionnel peut alors être amené à régulariser la TVA antérieurement déduite sur ses dépenses.