Fiche-85 : La société civile de moyens
Points clés
Les professionnels libéraux peuvent constituer entre eux des sociétés civiles ayant pour objet exclusif de faciliter l’exercice de l’activité à chacun de leurs membres. C’est la société civile de moyens ou SCM.
À cet effet, les associés mettent en commun les moyens utiles à l’exercice de leurs professions, tels que le personnel, les locaux ou le matériel, sans que la société puisse elle-même exercer l’activité. Il s’agit donc d’une structure qui permet le partage des frais communs mais non des honoraires.
À ce titre, la SCM se distingue donc des sociétés civiles professionnelles (SCP) et des sociétés d’exercice libéral (SEL).
En outre, puisqu’elle n’est pas une société d’exercice, son inscription au tableau de l’ordre n’est pas requise.
Par ailleurs, elle se distingue de la convention de partage des frais dans la mesure où elle est immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés et est dotée de la personnalité morale.
Régime juridique
La SCM est une société civile, régie par le Code civil et par ses statuts. Ainsi, comme toute société civile :
des apports doivent être faits à sa constitution pour former le capital social ;
elle est administrée par un ou plusieurs gérants ;
les associés sont indéfiniment responsables des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social.
Les statuts de la société doivent être établis par écrit, par acte sous seing privé ou par acte notarié. Ils prévoient les règles de fonctionnement de la SCM, telles que décidées par les associés fondateurs, à savoir, notamment :
la durée de la société ;
la procédure d’agrément pour les cessions de parts entre vifs et les transmissions de parts en cas de décès ;
la procédure de retrait volontaire d’un associé ;
la procédure d’exclusion d’un associé ;
les pouvoirs de la gérance ;
les modalités de répartition des droits de vote entre les associés ;
les règles de quorum et de majorité des décisions collectives ;
les ressources sociales.
Le modèle de statuts adopté par le Conseil national de l’Ordre des médecins prévoit par exemple deux possibilités en termes de répartition des dépenses sociales. Ainsi, les associés fondateurs peuvent décider que les dépenses sociales sont couvertes par une redevance à laquelle chacun des associés est tenu :
soit au prorata de sa participation au capital ;
soit en fonction des services rendus par la société (avec la répartition correspondante).
Ils prévoient que cette redevance est :
fixée provisoirement à la majorité des associés par l’assemblée qui statue sur les résultats de l’exercice précédant, en tenant compte des investissements décidés ;
versée mensuellement par les associés sur appel de la gérance ;
liquidée définitivement à la fin de l’exercice.
Enfin, selon que la redevance perçue sur les associés au cours de l’exercice fait apparaître un excédent ou une insuffisance par rapport aux dépenses et charges auxquelles il y avait lieu de faire face, les associés reçoivent le remboursement leur revenant et sont invités à opérer les versements complémentaires nécessaires de manière que les comptes de l’exercice écoulé se soldent sans bénéfice ni perte.
Les statuts peuvent être ultérieurement modifiées par décision collective des associés.
Les ordres professionnels proposent des modèles de statuts de SCM. Les statuts doivent être communiqués à l’Ordre professionnel, s’il en existe un. Il est donc important de consulter le site de l’Ordre professionnel concerné. Souvent, les statuts sont complétés par un règlement intérieur.
Associés de la SCM
Les associés d’une SCM sont obligatoirement des personnes exerçant une ou plusieurs professions libérales :
personnes physiques exerçant à titre individuel ;
personnes morales, telles que des SCP ou des SEL.
Régime fiscal
Imposition des bénéfices
Les SCM sont soumises au régime fiscal des sociétés de personnes. Elles ne peuvent opter pour leur assujettissement à l’impôt sur les sociétés (IS).
En principe, leur résultat est déterminé selon les règles des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), puisque leur activité consiste à mettre à la disposition de leurs membres des locaux équipés ainsi que le matériel et le personnel nécessaires à l’exercice de la profession.
Toutefois, lorsque des droits dans la société sont affectés à l’exercice d’une activité dont les revenus sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC), la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon le régime de la déclaration contrôlée des BNC. En pratique, cela concerne la plupart des associés de SCM exerçant à titre individuel.
Autrement dit, les SCM doivent procéder à une double détermination de leur résultat fiscal lorsqu’elles comprennent à la fois :
des associés exerçant une activité dont les revenus sont imposables dans la catégorie des BNC ;
et des associés exerçant une activité dont les revenus sont imposables dans la catégorie des BIC ou relevant de l’IS.
Les associés d’une SCM sont personnellement passibles, pour la part des bénéfices correspondant à leur droits dans la société, soit de l’impôt sur le revenu, soit de l’IS si l’associé est une entreprise relevant de cet impôt.
Les associés des SCM peuvent déduire du bénéfice non commercial réalisé dans le cadre de leur activité professionnelle les sommes versées à la société au titre de dépenses nécessitées par l’exercice de leur profession, s’ils relèvent du régime de la déclaration contrôlée. Dans ce cas, ils doivent porter les sommes déductibles, pour leur montant réel, sur les lignes de la déclaration n° 2035 se rapportant aux dépenses correspondantes.
Cela étant, dans le cas où les remboursements d’un associé à la SCM sont inférieurs aux dépenses acquittées pour son compte par la société, la déduction que peut pratiquer cet associé ne doit pas excéder le montant des sommes effectivement versées à la société.
Lorsque l’associé est passible de l’impôt sur le revenu :
et relève de la déclaration contrôlée : il doit faire apparaître de manière distincte, sur la déclaration n° 2035, la fraction de résultat social qui lui revient et, selon qu’il s’agit d’un bénéfice ou d’un déficit, ajouter cette fraction à son propre résultat fiscal ou l’en retrancher ;
et relève du régime micro-BNC : la fraction du bénéfice ou du déficit social de la SCM n’est pas prise en compte pour la détermination du montant des recettes imposables selon le régime micro-BNC. Cette fraction doit être déclarée distinctement sur la déclaration d’ensemble des revenus n° 2042 C PRO sous la rubrique « Revenus non commerciaux professionnels. Régime de la déclaration contrôlée », en revenus imposables ou en déficits.
Pour apprécier la limite d’application du régime « micro-BNC », il est admis, lorsque le professionnel libéral exerce son activité à titre individuel et est associé d’une SCM, de ne pas tenir compte des recettes issues de la SCM, sous réserve que la SCM exerce une activité conforme à son objet.
La SCM doit quant à elle déposer une déclaration de résultats, indiquant pour l’année précédente :
le résultat d’exploitation déterminé, selon le cas, suivant les règles des BIC ou des BNC ;
les noms, prénoms et domicile des associés et l’identification de ceux d’entre eux dont les droits dans la société sont affectés à l’exercice d’une activité dont les revenus sont imposables dans la catégorie des BNC ;
la part des bénéfices de l’exercice ou des exercices clos au cours de l’année précédente, correspondant aux droits de chacun des associés dans la société ;
un tableau retraçant les amortissements pratiqués sur les biens possédés par la société ;
le montant des dépenses réparties entre les associés en distinguant notamment les achats effectués pour le compte des associés, les frais de personnel, les frais afférents aux locaux, au mobilier et au matériel, les frais de bureaux et les autres frais généraux. Il s’agit des dépenses payées par la société ;
un bilan (qui peut être simplifié, selon que la SCM relève du régime du bénéfice réel simplifié ou non), sauf si elle comprend exclusivement des associés exerçant une activité dont les revenus sont imposables dans la catégorie des BNC.
La déclaration doit être déposée avant le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de chaque année. Toutefois, un délai supplémentaire par rapport aux délais légaux est accordé aux utilisateurs des téléprocédures pour réaliser la télétransmission de leurs déclarations de résultats. Ce délai est fixé à quinze jours calendaires au-delà de la date limite de dépôt des déclarations.
Les SCM souscrivent la déclaration spéciale n° 2036-SD :
lorsqu’elles comprennent exclusivement des associés exerçant une activité dont les revenus sont imposables dans la catégorie des BNC ;
ou lorsque comprenant, exclusivement ou non, des associés exerçant une activité dont les revenus sont imposables dans la catégorie des BIC ou relevant de l’IS, elles n’ont pas renoncé à l’application du régime simplifié d’imposition.
En revanche, les SCM qui optent pour la détermination de leur résultat selon le régime réel normal des BIC doivent :
souscrire la déclaration prévue à cet effet n° 2031-SD ;
et joindre à cette déclaration une déclaration n° 2036-SD qui fait apparaître le montant des dépenses réparties entre les associés et, le cas échéant, la détermination du bénéfice revenant aux associés exerçant une activité dont les revenus sont imposables dans la catégorie des BNC.
Enfin, elles doivent respecter des obligations déclaratives spécifiques du fait de corrections consécutives au changement de mode de prise en compte des produits et des charges, autrement dit, lorsque les résultats de deux exercices consécutifs sont soumis à des règles d’imposition différentes (créances acquises/dettes certaines, recettes encaissées/dépenses payées).
Imposition des plus-values
Les plus-values ou moins-values professionnelles réalisées à l’occasion de la cession d’éléments de l’actif de la SCM doivent faire l’objet d’une compensation distincte dans la société.
La SCM peut bénéficier de l’exonération des plus-values des petites entreprises, à condition que l’activité ait été exercée pendant au moins cinq ans. L’exonération est :
totale lorsque les recettes annuelles n’excèdent pas 90 000 € ;
partielle lorsque les recettes sont comprises entre 90 000 € et 126 000 €.
Lorsque cette exonération n’est pas applicable, les plus-values sont déterminées et imposées dans les conditions de droit commun. Ainsi :
la plus-value nette à court terme est ajoutée au bénéfice imposable de la SCM et taxée dans les conditions de droit commun ;
la plus-value nette à long terme est imposable au nom de chaque associé pour la part correspondant à ses droits statutaires. Cette part doit être reportée par chaque associé sur sa déclaration d’ensemble des revenus n° 2042 C PRO.
Fiche-47 : Le calcul d'une plus-value ou moins-value
Fiche-48 : Le régime fiscal des plus-values ou moins-values professionnelles
Enfin, les associés qui cèdent leurs parts de SCM relèvent du régime d’imposition des plus-values professionnelles.
TVA
L’activité des SCM est une activité située dans le champ d’application de la TVA. En effet, la mise à disposition de locaux équipés, de matériel ou de personnel est une activité de nature économique.
Cependant, les SCM peuvent bénéficier, sous certaines conditions, de l’exonération prévue pour les services rendus à leurs membres.
À l’inverse, elles sont redevables de la taxe dans les conditions de droit commun pour les opérations qui ne peuvent bénéficier de cette exonération. Tel est le cas pour les livraisons de biens.
Taxe sur les salaires
Les SCM qui emploient du personnel salarié peuvent être redevables de la taxe sur les salaires dans les conditions de droit commun.